Le dédale de la parentalité trans

par | Sep 28, 2023 | Blog | 0 commentaires

Les débats autour du mariage et de la filiation des couples de même sexe ont permis une certaine clarification (encore améliorable) des parcours d’accès à la parentalité des personnes cisgenres homosexuelles. Cependant, les personnes trans ont été les grandes oubliées de ces débats, et leur accès à la parentalité reste une zone de flou juridique. Pour toute personne trans qui souhaite devenir parent, l’absence de règles peut transformer ce moment déjà intense émotionnellement en véritable casse-tête. Chaque parcours de transition étant unique, il est difficile de tirer une règle générale pouvant convenir au plus grand nombre. Mais voici un état des lieux non exhaustif de la situation actuelle en France.

Ici, les termes binaires “homme” et “femme” sont utilisés pour simplifier la lecture. Les personnes non-binaires sont évidemment tout aussi concernées.

Homme trans : personne qui ne se reconnaît pas dans le genre féminin qui lui a été assigné à la naissance.
Femme trans : personne qui ne se reconnaît pas dans le genre masculin qui lui a été assigné à la naissance.

Accès à la parentalité

On pourrait penser que l’aspect le plus important de l’accès à la parentalité pour les personnes trans est celui de la procréation en elle-même : qui peut/veut porter et qui peut/veut féconder. Et il faut en effet se poser la question de la fertilité du couple.

Si les deux personnes ont les gamètes nécessaires à la reproduction, alors elles peuvent essayer d’avoir un enfant comme un couple hétérocis. Un homme trans n’ayant pas fait retirer son utérus peut porter un enfant sans aide médicale si sa conjointe trans ou son conjoint cis est fertile. Une femme trans n’ayant pas procédé à une chirurgie de réassignation sexuelle peut être le parent biologique de son enfant porté par sa conjointe cis ou son conjoint trans.

Dans le cas où le couple n’est pas fertile mais où une ou deux personnes peuvent porter, différents parcours de PMA peuvent être accessibles. Si personne ne peut porter, le couple peut se diriger vers un parcours d’adoption, de GPA à l’étranger ou de coparentalité.

Dans les faits, la vraie question à se poser est celle de l’état civil. Les droits dépendent du genre précisé sur les papiers officiels.

Ainsi, un homme trans souhaitant porter et n’ayant pas procédé à son changement d’état civil (F) a le droit d’accéder à la PMA avec son ou sa conjointe parce qu’il aura les mêmes droits qu’une femme cisgenre. Il perd cependant ce droit une fois un « M » inscrit sur sa carte d’identité, quand bien même il lui est toujours physiologiquement possible de porter. Le couple peut toutefois toujours accéder à la PMA si par exemple saon conjoint·e a un état civil féminin et souhaite et peut porter. Dans les deux cas, il est conseillé de signer une Reconnaissance Conjointe Anticipée avant d’entamer le parcours PMA, comme dans le cas des couples de femmes cis lesbiennes.

Si un homme trans souhaite porter après son changement d’état civil, il peut se tourner vers une insémination artisanale ou aller à l’étranger (certaines cliniques d’Espagne ou de Belgique acceptent les hommes trans dans les parcours de PMA).

En France, tous les couples peuvent adopter même si le parcours peut-être plus compliqué pour les personnes LGBT.

Peu importe le genre des personnes, la GPA n’est pas légale en France, mais elle l’est aux Etats-Unis, au Canada ou en Suisse.

Établissement de la filiation quand au moins un des parents est trans

Le droit actuel de la filiation en France est traditionnellement fondé sur la vraisemblance du lien biologique. Pour que la filiation soit automatique, il faut donc entrer dans un schéma d’apparente hétérosexualité administrative. Plus que de la biologie, la filiation des personnes trans dépend à nouveau de la mention du genre inscrite sur leurs papiers.

Un homme trans ayant changé son état civil est donc automatiquement reconnu comme père lorsqu’il déclare l’accouchement de saon conjoint·e ou coparente.
Une femme trans n’ayant pas procédé à son changement d’état civil peut déclarer son enfant mais sera alors reconnu comme père.
Un homme trans ayant porté son enfant et ayant un F sur ses papiers sera reconnu comme mère. Son conjoint (cis, ou trans après CEC) pourra le déclarer.

Hors de ce schéma, la filiation ne sera pas automatique. La loi de bioéthique de 2021 ouvrant le droit à la PMA aux couples de femmes introduit un nouveau mode de filiation à la naissance par la Reconnaissance Conjointe Anticipée. Il est à noter que cette loi exclut les hommes trans de l’accès à la parentalité en portant eux-même leur enfant.

Si un homme trans a toujours un F sur ses papiers, le couple devra passer par une RCA (en cas de PMA) ou une adoption (en cas d’insémination artisanale) comme un couple de femmes cis. De même pour une femme trans en couple avec une femme cis, qui devra adopter l’enfant porté par sa conjointe, quand bien même elle en est biologiquement le parent.

Tout est plus flou quand c’est un homme trans ayant effectué son changement d’état civil qui porte son enfant. Le seul cas médiatisé est celui de Ali et François, qui ont tous deux été reconnus comme parents de leur fille à la suite d’une décision du Parquet de Bobigny. Un acte de naissance sans mention de « père » ou « mère » a été établi.

Changement de filiation si le changement d’État Civil a lieu après l’arrivée de l’enfant

Le changement d’état civil ne modifie pas intrinsèquement la filiation. Un parent qui était reconnu comme parent reste le parent de son enfant.

Lors d’un CEC, l’acte de naissance de la personne trans est modifié. Mais d’autres documents le sont également et ces derniers ne concernent pas uniquement la personne trans. Ainsi, les actes de naissance des enfants seront modifiés avec l’accord de ceux-ci s’ils sont majeurs ou avec l’accord de l’autre parent (le cas échéant) si ceux-ci sont mineurs et l’acte de mariage sera modifié avec accord du conjoint·e.

L’accord du ou de la conjoint·e peut représenter une difficulté dans le cas où le couple est en période de séparation ou déjà séparé.

En 2023, il semble encore inenvisageable pour nos législateurs que les personnes trans puissent vouloir être parent. Pourtant, depuis 2016, il est possible de procéder à un changement d’état civil sans passer par une chirurgie de réassignation sexuelle qui rendrait de fait stérile. Combien de temps encore les parents et futurs parents trans devront se perdre dans ce labyrinthe administratif dans lequel seuls les témoignages de leurs adelphes, encore trop peu nombreux, semblent tracer un chemin ?
10 ans après le mariage pour tous, les familles homoparentales rentrent doucement dans la norme collective. Faudra-t-il attendre 2026 pour que la parentalité des personnes trans devienne une réalité juridique ?

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