Benjamin : “Je voulais que mon sperme puisse servir aux lesbiennes”

par | 17 Août 2025 | Allié.e.s, Témoignages | 0 commentaires

Peux-tu te présenter en quelques mots ?

Je m’appelle Benjamin, j’ai 39 ans, je vis à Aubervilliers et je bosse dans la communication pour une association.

Comment as-tu été sensibilisé au don de gamètes ?

Je n’ai pas d’enfants et je n’en veux pas. Mais cela faisait un bout de temps que je me posais la question du don de sperme, mais les dons étaient réservés aux couples hétéros. En 2021 dès que la loi a changé, j’ai donné mes gamètes au CECOS* de Cochin car je savais que mon sperme pouvait servir aux lesbiennes. En tant que pédé, je ne voulais pas que ça soit utile aux seuls couples hétéros.

Peux-tu nous raconter cette expérience ?

Après une prise de contact par mail avec le CECOS de Cochin, il y a plusieurs rendez-vous.

La première fois, j’ai vu une psychologue et une médecin pour expliquer la démarche. Le personnel du CECOS était très gentil. Je sais que parfois dans les hôpitaux c’est un peu compliqué, mais là tout le monde était très sympa, (c’était que des femmes !).

Ensuite, il y a eu un rendez-vous de premier prélèvement afin de réaliser un spermogramme et vérifier la qualité du sperme. Il y a aussi une prise de sang à faire pour vérifier d’éventuelles maladies et IST, et regarder s’il y a le bon nombre de chromosomes au niveau des gènes. J’ai eu un long rendez-vous avec une généticienne qui m’a posé plein de questions sur la vie et la famille : il y a des facteurs qui sont bloquants, notamment certains cancers et la dépression.

Pour finir, j’ai fait 3 autres rendez-vous de recueil, qui durent chacun 30 minutes maximum. Le temps d’y aller, de s’inscrire et de “faire les choses” : se masturber dans un tube en plastique dans une salle d’hôpital. Clairement, ce n’est pas du tout agréable. Il y a un banc avec une protection en papier dessus et des films porno qui sont tous hétéros sur un petit ordinateur mis à disposition.

Au CECOS de Cochin, une fois que tout est “validé” administrativement, on choisit les moments qui nous arrangent pour venir en fonction de ses disponibilités. Il n’y a pas de délai imposé entre chaque rendez-vous de recueil et ils peuvent s’étaler sur plusieurs mois. Seul impératif : ne pas avoir éjaculé 4 jours avant pour qu’il y ait la quantité suffisante et réaliser le nombre de “paillettes” nécessaire. Il est prévu entre 3 et 5 recueils, j’en ai fait 4.

Qui peut donner ? Et sais-tu s’il y a des besoins particuliers dans les CECOS ?

D’abord, je sais que c’est très genré. Les mecs donnent moins – 3 fois plus de femmes qui donnent leur gamètes – alors que notre don est physiquement plus facile : il n’y a pas de prise d’hormones, le prélèvement est indolore.

Je sais aussi qu’il y a des besoins particuliers car ils font en sorte que le donneur ressemble le plus au deuxième parent potentiel. Il y a des tentatives pour se rapprocher des caractéristiques physiques (origines ethniques, couleurs des yeux et des cheveux) afin de reproduire la “filiation naturelle”. C’est particulièrement le cas pour les couples racisés. Il n’y a en effet pas assez de personnes racisées qui font des dons.

C’est ce qui m’a surpris dès le premier rendez-vous : pour moi, élever un enfant ce n’est pas transmettre un patrimoine génétique, c’est transmettre des valeurs. Avec mon regard qui est celui de quelqu’un qui n’a pas d’enfant, cette tentative de reproduire les caractéristiques physiques est bizarre, d’autant plus quand c’est un couple de femmes ou une femme seule.

Qu’est-ce que le changement de régime d’anonymat a eu comme impact pour toi et ta décision ?

J’ai commencé la procédure justement dans cet entre-deux, pendant ce régime transitoire, avant la promulgation du décret de la loi de 2021. J’en ai parlé longuement autour de moi, et notamment avec mon copain qui n’a pas connu son père. J’ai compris à quel point ça peut être important de connaître la personne, donc j’ai consenti. Le changement du régime d’anonymat n’a pas changé ma décision.

Ce sont des informations non identifiantes qui sont données, pas mes coordonnées directes. On nous explique qu’on n’est pas obligé de donner signe de vie. Je me dis que je verrai bien au moment voulu si la situation a lieu. Si cette personne a envie qu’on se rencontre, je sais que ce sera en fonction de mon énergie du moment. Je ne dois à personne d’échanger et d’entrer en contact avec moi !

Qu’est ce que ce don de gamètes a changé pour toi ?

J’en ai parlé beaucoup autour de moi, notamment à cause de ce déséquilibre entre donneurs et donneuses, pour démystifier le truc : ce n’est qu’un don de gamètes. Personnellement, c’est une fois dans ma vie et ça ne change absolument rien. J’ai permis à des personnes qui avaient un projet de famille de le réaliser et d’être heureux. Ça ne m’a rien coûté à part un peu de temps.

Un dernier mot ?

Je m’adresse aux personnes qui peuvent donner (les hommes qui ont entre 18 et 45 ans)  : on va à l’hôpital, avec du personnel médical, plutôt sympas et contents de faire le travail qu’ils font et ça se passe bien. Au final, ça ne prend que peu de temps, ce ne sont pas de grosses démarches, ça ne coûte rien, donc si vous avez un peu de temps, faites-le !

*CECOS = Centres d’Etude et de Conservation des Œufs et du Sperme humains
Pour aller plus loin, cet article sur Passeport Santé explique bien la démarche de don.

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