Sonia, maman d’une jeune fille trans

par | 21 Avr 2025 | Allié.e.s, Enfant.s, Famille.s, Témoignages | 0 commentaires

interview de sonia, co-fondatrice du collectif nos enfants trans

Sonia est maman de deux jumeaux de 8 ans, dont une jeune fille trans. Depuis son très jeune âge, elle exprime une identité de genre différente de celle assignée à la naissance. Face aux nombreux défis que soulève la transition de genre chez un enfant, Sonia s’est engagée activement aux côtés d’autres parents en co-créant le collectif Nos Enfants Trans. Le 17 mai 2025, à l’occasion du 4ème Family Pride Festival, elle participera à une table ronde.

Comment ça s’est passé, ce coming-out ?

Alors déjà, je dirais que ce n’était pas vraiment un coming out, pas comme on peut l’imaginer. C’était plutôt un processus, un cheminement. Dès la moyenne section, on voyait qu’elle se déguisait toujours avec des vêtements dits « de fille », elle adorait ça. Chez les copains, elle adorait les robes de princesse… À l’inverse, son frère était très attiré par des personnages masculins. C’était très marqué.

Et puis, au fur et à mesure, elle a commencé à parler d’elle au féminin, timidement. Je lui ai demandé : « Tu veux que je te présente comment ? » Elle a répondu : « Comme une fille. » 

Ce n’était pas une déclaration soudaine, mais une série de signes, de petits moments, de phrases. On avait vu le film Petite fille, donc on savait que c’était possible, même jeune. On s’est fait accompagner, pour comprendre ce que c’était, ce que ça impliquait, et surtout comment être là pour elle.

Tu as eu des soutiens ? Des personnes alliées autour de toi ?

Oui, un peu. J’ai une copine qui était en transition à l’époque, donc ça a été un premier point d’appui. Et puis on a eu d’autres discussions autour de nous, avec des gens pas forcément très engagés, mais pas fermés non plus. Ce n’était pas une communauté militante, c’était juste des personnes ouvertes, et ça nous a mis dans un autre univers.

Et les réactions dans le cercle familial, amical, à l’école ?

À l’école, le premier vrai problème, c’est quand elle a mis une jupe. Ça ne s’est pas super bien passé. C’est là qu’on a compris qu’on allait devoir être très présents.

Mais au lieu de la décourager, ça l’a renforcée. Elle a eu des moments de doute, des allers-retours : « Je suis une fille », puis « Je suis un garçon », puis « Je suis une fille ». Mais en fait, à chaque fois qu’elle revenait, c’était plus affirmé. Elle disait clairement : « Non, je veux qu’on dise elle, je veux qu’on dise ma fille. »

La question des vêtements a cristallisé beaucoup de choses. On a eu le droit à pas mal de réflexions « bienveillantes » du type « laissez lui mettre des robes à la maison mais pas à l’école ». Quand j’ai appris l’existence du contrôle social informel, j’ai compris que le but caché était de nous faire comprendre que ça ne se faisait pas un garçon qui mette des robes, qu’il fallait qu’elle taise qui elle était pour la protéger. Alors qu’en fait vraiment, c’était parce pour les protéger eux de leur gêne. Mais nous, on a fait un autre choix.

Est-ce que ça a changé des choses dans votre équilibre familial ?

Oui, forcément. Iels sont jumeaux, donc très liés. Et on a été obligés, en tant que parents, de réinterroger plein de choses : qu’est-ce qui fait lien de famille, comment on soutient chacun de manière égale, comment on ne laisse pas la transition de l’un prendre toute la place…

On a eu une phase où à la maison on disait elle, et à l’école, c’était encore il. C’était dur pour mon fils de faire la bascule entre les deux. Quand on a fait le changement de prénom, il a même dit : « Et moi, j’ai pas le droit de changer de prénom ? » C’était dit un peu sur le ton du jeu, mais il y avait une vraie question derrière : comment on fait pour que chacun ait sa place. Mais il l’a toujours soutenue. Il disait aux autres enfants : « C’est ma sœur. » Il a vraiment été là.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de créer le collectif ?

Au début, j’ai cherché des parents qui vivaient la même chose. J’ai trouvé un groupe Facebook de soutien parental, une première association. Et petit à petit, j’ai eu envie de m’engager davantage. Ce n’est pas par militantisme pur, c’est juste que je veux que ma fille ait les mêmes droits, les mêmes chances que les autres. Quand j’ai vu passer des discours de la loi anti-enfant trans, remettant en cause les bloqueurs de puberté ou l’accompagnement, je me suis dit qu’il fallait agir.

Le collectif Nos Enfants Trans, on l’a monté parce qu’on trouvait que ce qui existait ne suffisait pas. Les associations de soutien parental de jeunes trans qui existaient déjà en France sont importantes car elles apportent une réponse à un véritable besoin d’écoute et d’échange pour les parents. Mais elles ne nous semblaient pas suffisamment militantes et offensives pour porter la voix des enfants et des ados comme nous avons envie de le faire.

Vous avez des ressources à conseiller ?

Le documentaire d’Océan, le livre Transition… Il y a aussi un docu sur Netflix, « The dreamlife of Georgie Stone » qui raconte le combat d’une jeune australienne et de sa mère pour la reconnaissance des enfants/ados trans en Australie.. Et puis il y a des choses très pédagogiques sur la construction de genre chez l’enfant. J’ai aussi réalisé une liste de ressources qui peut aider.

Justement, que dirais-tu à un parent qui vit le coming out de son enfant ?

Souvent, on se dit : « Mon enfant va avoir une vie compliquée, il ou elle ne sera jamais accepté.e, toujours victime de transphobie, de dysphorie… » Mais ce n’est pas une fatalité. Le plus beau cadeau qu’on peut faire à son enfant, c’est de l’écouter, de l’accompagner, de se renseigner. De lire. C’est comme ça qu’on lui donne les outils pour être fier.e de ce qu’il ou elle est.

Ce qui est difficile pour ma fille, ce n’est pas comment elle se définit. C’est la manière dont les autres la définissent, la ramènent à une différence. Nous, on a fait le pari de lui donner des conditions de sécurité, des armes pour être fière de ce qu’elle est.

Pendant deux ans, ça a été un gros sujet dans nos vies. Mais aujourd’hui, à 8 ans, ce n’est plus quelque chose qui prend autant de place. La transidentité que sa passion pour les pierres précieuses. Le souci, c’est ce que la société en fait: quelque chose qui ne devrait pas exister chez une enfant aussi jeune. Et qui fait qu’on doit batailler pour qu’elle est la même vie que les autres

Et puis il faut y aller au rythme de l’enfant. Ne pas freiner, mais ne pas devancer non plus. Ă ces âges, la question du genre n’est pas vraiment figée. Comme nous l’a expliqué Morgan Noam, pendant la phase d’exploration, entre 3 et 5 ans, les enfants surjouent le genre, iels essaient, testent, surjouent aussi parfois pour voir ce qui leur correspond. Il faut donc être patient et ne pas vouloir aller trop vite

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