Lou et Elena : notre bébé née grâce à un don d’embryon en Espagne

par | 17 Déc 2025 | Famille.s, Témoignages | 0 commentaires

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Je m’appelle Elena, j’ai 30 ans et je suis la maman d’Aimée qui a 8 mois.

Nous sommes mariées depuis 2021, mais nous nous connaissons depuis très longtemps puisqu’on sortait ensemble déjà au lycée ! Nous habitons à côté d’Arcachon.

Je m’appelle Lou, j’ai 29 ans et je suis aussi la maman d’Aimée, que nous avons eu suite à un parcours de PMA en France, puis ensuite à l’étranger. Je suis en congé parental.

Comment avez-vous initié ce parcours pour faire famille ?

Nous avons commencé par un parcours de PMA en France, assez classique au CECOS* de Bordeaux.

Nous étions toutes les deux jeunes, il n’y avait pas de difficultés médicales connues dans notre dossier, nous avons donc bénéficié d’inséminations avec donneur (IAD).

Malheureusement, nous avons enchaîné plusieurs grossesses arrêtées avant d’arriver à terme, puis des échecs de FIV.

C’était très difficile pour nous.

Comment avez-vous connu le don d’embryon ? De quoi s’agit-il exactement ?

Dans la foulée de ces multiples échecs, un couple d’amies lesbiennes nous a parlé de leur parcours : elles sont allées en Espagne dans une clinique pour un parcours d’adoption d’embryon. Ce sont donc elles qui nous ont introduites à cette méthode inconnue pour nous.

On parle généralement d’adoption d’embryon au sens large. Nous avons bénéficié d’un don d’embryon pour accueillir un embryon. L’adoption renferme le don-l’accueil-l’adoption d’embryon, c’est la même chose.

Dans cette clinique, il s’agissait majoritairement de doubles dons, mais ça peut aussi être tout à fait un embryon issu d’un traitement entre une donneuse et un patient ou même deux patients ; donc un couple, ou une femme seule, qui a terminé son parcours de conception, qui ne veut pas d’autre grossesse, qui a des embryons récents en stock et qui décide d’en faire don.

C’est une technique qui reste peu, voire pas, conseillée dans les cliniques espagnoles car elle est moins lucrative…. La première clinique que nous avions contactée en Espagne nous a découragé de choisir cette méthode. En effet, les cliniques essaient davantage de diriger les personnes vers le double don, qui est plus avantageux financièrement pour elles.

Comment cela s’est donc passé pour vous ?

Nous avons opté pour la même clinique que nos amies, avec un médecin très partant pour cette méthode-là. Une fois la décision prise, la suite a été plutôt rapide. En mars 2024, nous avons échangé une première fois sur l’adoption d’embryon, sur la manière de sélectionner les embryons et le protocole de transfert. Nous étions sur liste d’attente, plutôt courte, le temps de sélectionner les embryons.

Trois mois plus tard, au mois de juin, nous avons reçu un appel du médecin : un don d’embryons correspondait à nos critères. Nous n’avions pas donné de critères physiques (rapprochement de nos phénotypes), en revanche, nous voulions des embryons de donneur et donneuse avec une fertilité prouvée (c’est-à-dire qui ont déjà des enfants nés vivants).

En juillet, nous avons fait le transfert d’un de ces embryons : c’était Aimée, qui est née en mars 2025.

Quelles différences avez-vous identifiées entre la France et l’Espagne ?

En France, le diagnostic pré-implantatoire (DPI) n’est pas autorisé pour tous les embryons. C’est une biopsie de l’embryon qui est réalisée uniquement en cas d’anomalie décelée sur les caryotypes. En l’occurrence, mon caryotype était normal, et celui du donneur également car c’est une des conditions pour pouvoir donner. Dans notre cas, nous n’étions donc pas en mesure de savoir (et nous ne saurons jamais) pourquoi les grossesses suite aux IAD se sont arrêtées. Il est possible que cela vienne du donneur ou bien de la faute à pas de chance.  C’est pourquoi nous nous sommes dirigées vers l’étranger.

En Espagne, même s’il y a deux caryotypes normaux, on peut faire ce diagnostic pré-implantatoire (DPI) sur les embryons. On sait donc qu’on va implanter un embryon qui génétiquement a le bon nombre de chromosomes, ce qui réduit déjà énormément le risque d’arrêts de grossesse qui découlent en majorité d’“accidents chromosomiques” au moment de la division cellulaire, même avec des caryotypes normaux.

En France, c’est une réalité : les dons de sperme sont moins qualitatifs. Alors qu’en Espagne, les dons sont rémunérés, donc il y a beaucoup plus de donneurs. En France, il y a même moins de donneurs que de donneuses, donc peu de tri des gamètes mâles. On le voit dans le compte-rendu des inséminations dans lesquelles il est écrit qu’il y a peu de mobilité des spermatozoïdes, ou peu de spermatozoïdes : des dons sont acceptés en France avec des spermogrammes qui ne seraient même pas acceptés à l’étranger.

Savez-vous quel est le régime d’anonymat pour les personnes qui ont donné ? Et quel est votre rapport à l’anonymat ?

En Espagne, c’est le régime de l’anonymat complet des donneurs et donneuses. C’est le même régime qui s’applique pour les accueils d’embryon. C’est un point qu’on avait déjà discuté avec un biologiste en France quand j’ai donné mes ovocytes avant même de débuter notre parcours PMA. C’était avant l’entrée en vigueur du décret d’application de la loi bioéthique de 2021. Pour ce biologiste, seule une très faible partie des personnes nées de don de gamètes font la demande d’accès aux origines. Donc cette levée de l’anonymat des dons de gamète était pour lui un faux sujet. Pour nous aussi, le sujet était clair : l’important pour les enfants, c’est de connaître leur histoire, comment iel sont arrivé⸱es, et non pas l’identité d’une personne qui ne fait pas partie de leur vie.

Nous sommes extrêmement reconnaissantes de ces multiples dons. C’est toute une chaîne de générosité : une donneuse, un donneur, un couple ou une femme seule qui décide de donner ses embryons récents. Mais pour nous, ces personnes restent des donneurs et donneuses. Comme moi qui ai donné mes ovocytes, je ne me considère pas partie prenante d’un projet d’enfant de quelqu’un d’autre. Ce sont des personnes qui nous ont donné un coup de pouce pour fonder une famille et c’est le plus beau des cadeaux.

On n’a pas de problème avec cet anonymat car on a prévu d’être extrêmement transparentes avec Aimée. Et on le fait déjà, elle a déjà entendu cette histoire plein de fois, notamment par des livres sur comment elle est arrivée. L’important pour un enfant, c’est de savoir qu’elle est arrivée dans l’amour et qu’on l’a attendue. Je ne suis vraiment pas sûre de l’importance de mettre un nom sur un donneur, d’autant plus que le régime de non-anonymat en France prévoit qu’à sa majorité, l’enfant peut obtenir les données identifiantes des donneurs : nom, prénom, genre, date et lieu de naissance, et c’est tout.

Qu’est ce que ce double don de gamètes a changé pour vous ?

Nous n’avons jamais accordé d’importance à transmettre notre patrimoine génétique. Je pense que si on avait eu connaissance de cette méthode dès le début de notre parcours, c’est possible qu’on l’ait choisi plutôt qu’une autre.

Nous étions arrivées à un moment de notre parcours où, moi qui ai porté notre fille, je n’avais plus confiance dans mon corps. De mon côté, ça m’a donc déchargé d’une responsabilité : ce n’était plus ma génétique qui entrait en jeu et on repartait sur de bonnes bases. Nous savions que ces embryons-là donnaient des bébés et pour nous, c’était ça l’important.

Nous avons eu toutes les deux la même émotion quand Aimée quand elle est née, quand on l’a rencontrée, ça a été notre fille tout de suite.

C’est elle qu’on attendait.

Cela est un grand cheminement, plein de décisions et de coups du destin qui nous ont fait arriver jusqu’à elle. C’est la méthode qui nous fallait.

Que dites-vous à des personnes qui pourraient avoir besoin d’un don ou d’un double don de gamètes et qui ne connaissent pas du tout le don d’embryon ?

C’est un cheminement très personnel de renoncer à la transmission de son patrimoine génétique. Je pense que pour certaines personnes ce n’est pas un sujet dès le départ et que pour d’autres ça prend du temps. C’est quelque chose qui ne se commande pas vraiment.

Si la question se pose pour des raisons médicales, ce qui peut aider, c’est de se renseigner beaucoup sur l’épigénétique. Également lire beaucoup de témoignages de parents d’enfants nés de dons de gamètes. Car en pratique, on se rend compte que la transmission génétique est une toute petite partie de la personnalité et des traits physiques d’un être humain. Avec l’épigénétique, très souvent, les enfants ressemblent à leurs parents alors même qu’il n’y a aucun patrimoine génétique commun, que ce soit physiquement ou dans les attitudes.

Dans notre quotidien, ne pas partager un patrimoine génétique, ça ne change rien du tout. Les gens nous disent tout le temps qu’elle nous ressemble, les gens ne se posent pas la question alors qu’elle est blonde aux yeux bleus et qu’on est toutes les deux brunes aux yeux marrons.

Un dernier mot ?

C’est une méthode qui n’est donc pas très présentée par les cliniques à l’étranger pour des raisons financières, mais nous pensons vraiment que c’est une super technique. Ce sont des embryons qui existent déjà, ce sont des couples de gamètes qui donnent des bébés en bonne santé. Je pense que lorsqu’on a eu un parcours d’arrêt de grossesse c’est hyper précieux de pouvoir faire le DPI, qui donne une grande sérénité pendant le premier trimestre.

C’est une méthode qui ressemble à une insémination sur le principe, mais à la place de placer des paillettes, c’est un embryon tout beau tout prêt. En France, cette méthode est très très restrictive et il y a une très longue attente.

Comment avez-vous connu le Collectif Famille⸱s?

Nous nous sommes beaucoup appuyées sur le travail et les ressources du Collectif Famille⸱s dès sa création.

Comme nous n’étions pas encore mamans, c’était trop douloureux, nous nous sentions pas à notre place. Par notre parcours difficile, nous avions du mal à être confrontées aux familles déjà créées et aux bébés, même dans la vie de tous les jours. Nous étions adhérentes, mais sans venir aux événements.

C’est depuis la naissance d’Aimée qu’on a eu ce besoin de rencontrer ces familles qui ressemblent à la nôtre, surtout Elena d’ailleurs. On a aucune famille homoparentale autour de nous, c’est pourquoi nous avons plus besoin de se retrouver en communauté.

Nous avons participé à notre première Journée en Famille⸱s, à Bordeaux. C’était vraiment très chouette, on a même échangé des numéros pour faire des sorties à Bordeaux ensemble. Et puis nous avons prévu de venir au Family Pride Festival 2026 et de faire du bénévolat pour et au sein du Collectif !

*CECOS = Centres d’Etude et de Conservation des Œufs et du Sperme humains

Propos recueillis par Claire Grard, bénévole au Collectif Famille·s

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