Paul, un daddy et deux mamans en coparentalité

par | 27 Mai 2025 | Famille.s, Témoignages | 0 commentaires

Les prénoms ont été modifiés.

On emploie ici le mot copa, un terme courant dans les milieux queers, qui désigne la co-parentalité — c’est-à-dire le fait d’élever un ou des enfants à plusieurs, hors des schémas familiaux traditionnels.

Peux-tu présenter ta famille ?

Je suis en coparentalité : dans notre famille il y a deux mamans et un papa ou un “daddy” car je suis néo-zélandais. Les enfants m’appellent daddy ou dad avec l’accent français qui me fait rire. Nous avons deux enfants : une fille de 7 ans et demi et un fils de 4 ans et demi. Ils habitent chez leurs deux mères à Lyon et moi, j’habite à Paris. Je les vois environ toutes les 2 semaines, je vis tout près de la gare, comme cela c’est plus facile si je pars tôt ou reviens tard. Les enfants ont une chambre ici et toutes leurs affaires. Moi, j’ai aussi toutes mes affaires chez les mamans. Je débarque alors avec mon ordi pour télétravailler là-bas et rester au-delà des week-ends.

Parfois, j’ai les enfants tout seul, parfois je descends et une des mamans part en week-end, donc c’est moi et une des deux mamans qui nous occupons des enfants. Parfois on est toustes ensemble comme lors des grosses fêtes comme Noël ou Pâques. Ca se passe très bien dans nos familles respectives, je suis un peu comme le “beau fils” sans vraiment l’être, même si au début, tout le monde se demandait : “Comment ça va marcher ?”. Mais in fine, tout se passe super bien.

Comment s’est créée cette copa ?

J’ai rencontré Marie dans un cours de danse écossaise, j’avais 22 ans. On se voyait deux à trois fois par an lors de stages de danse. Je n’avais jamais imaginé avoir une famille avec elle. Puis, Marie m’a invité à son PACS. Un an après elle me contactait pour savoir si j’avais envie d’être papa. Je ne m’y attendais pas du tout. Aujourd’hui j’ai 48 ans mais quand j’ai fait mon coming-out à 18 ans, dans ma tête c’était le scénario suivant : je ne peux pas me marier et je ne peux pas avoir d’enfant car je suis gay. J’étais honnête avec moi même et les autres, alors j’ai renoncé. C’était une envie, mais pas présente, un peu un rêve “Disneyland”, sachant que la GPA est compliquée, et que je n’ai pas de mec. Marie m’a demandé et à la base c’était très ouvert, soit je suis le père impliqué à fond, soit je donne mon sperme et je suis un peu comme un oncle. J’ai quasiment tout de suite dit que pour moi si je le faisais, je le ferai à 100%. On s’est vu.es pendant 6 mois et on a fait une charte pour évoquer toutes les questions de santé, d’éducation, de finance, de décès, de séparation. On a creusé beaucoup plus qu’un couple hétéro, c’était vraiment très réfléchi. Tout cela m’a fait un peu peur parce qu’avec le temps qui passait, je ne voyais pas de “red flag”: j’ai commencé à stresser car ça allait vraiment se faire !

Je me posais encore deux questions : en étant célibataire, est-ce que ça allait être plus compliqué pour moi de rencontrer quelqu’un en ayant des enfants. A l’époque, je vivais en plus en Allemagne, donc il fallait gérer la distance et les aller-retours. M’installer en France a été la solution qui allait à tout le monde, j’ai pu venir à Paris avec le même boulot, la même boîte. J’ai donc déménagé en France il y a trois ans, juste après le Covid et la fermeture des frontières, pour me rapprocher des enfants et vivre dans le même pays.

Aujourd’hui, entre Lyon et Paris, j’ai un peu l’impression d’avoir une double vie. C’est marrant : j’ai une vie de célibataire à Paris, je bosse et je suis dans des associations, et je rentre à Lyon comme un bon père de famille et ses deux femmes. C’est cela faire famille autrement !

J’ai du mal avec les schémas hétéronormés avec lesquels on grandit. Les enfants me manquent parfois quand je pars, les départs sont parfois un peu durs, mais l’amour reste et les enfants vont super bien. Je doute parfois, mais en fait c’est OK. Le Collectif Famille.s, c’est le lieu idéal pour rencontrer d’autres familles. Il y a tellement de schémas différents, et ça donne la force de dire “c’est ça qui est bon pour moi”.

Comment ton entourage a accueilli ce projet de coparentalité ?

Globalement, bien. Mon père a été plutôt étonné car ma soeur est hétéro et a un enfant, et moi je suis homo et j’en ai deux ! Il était super content, mais un peu secoué et il avait naturellement beaucoup de questions. Au boulot, je laisse ouvertes les réactions. Au final, je distingue 3 types de réactions : “Whaa, c’est super !”, “Aaah ok” sans détail, et la plupart trouve ce schéma tellement hors norme, que sans être négatifs ils posent des questions avec curiosité. J’explique souvent que c’est comme un couple divorcé, mais sans l’histoire négative derrière.

Y a-t-il eu un moment clé ou un tournant important qui a marqué votre façon de faire famille ?

On a beaucoup recherché ce qu’on pouvait faire pour la mère sociale. En effet, en France, on ne peut pas avoir plus de deux parents sur l’acte d’état civil. Je suis le père des deux enfants et chacune d’entre elles a porté un enfant et a le statut de mère sociale pour l’autre enfant. Dans le quotidien, ça se passe super bien. A l’école, tout le monde est au courant et donc c’est l’un de nous trois indifféremment quand l’école a besoin de bénévoles qu’il faut aller chercher les enfants. Idem chez la médecin. Mais nous voulions donner le maximum de droits pour la mère sociale s’il arrivait quelque chose de grave.

Il y a un an et demi, nous avons donc fait une demande de délégation de l’autorité parentale, devant le juge aux affaires familiales. Nous avons ainsi été convoqué.es au tribunal pour une audience devant le juge. Cette journée était spéciale, nous étions toustes les trois, convoqué.es à la même heure que toutes les autres familles. L’ambiance était horrible. Nous étions au milieu de familles avec des cas tristes et compliquées ou de situation de violence. Notre cas était atypique. Pour nous l’audience a a duré 5 minutes, avec seulement quelques questions et on a même vu des sourires tellement ce n’était pas quelque chose d’habituel.

On a obtenu les papiers, mais la délégation d’autorité parentale est la seule chose que l’on peut faire. On veut vraiment partager cette démarche car cela peut aider d’autres gens. En revanche, je ne sais pas à quel point cela marcherait avec 4 parents par exemple.

As-tu des ressources et des conseils à donner pour des parents qui souhaitent se lancer dans une coparentalité ?

Le Collectif Famille.s et le Family Pride Festival, auquel j’ai participé avec les enfants à Montpellier !

C’est comme ça qu’il faut commencer, il faut parler aux gens, poser des questions, aux parents queer et à des gens qui ont déjà fait une coparentalité, questionner les enjeux et leur expérience.

Il y a aussi la Copacarte, pour rencontrer des parents en copa ou intéressé.es par la copa.

Et il faut prendre le temps de se connaître : dans mon cas, je connaissais Marie avant, mais même en la connaissant, on a pris notre temps, et nous avons aussi pris le temps de nous connaître à trois. Il faut passer du temps ensemble sur le temps long, partir en week-end ou en vacances ensemble par exemple, surtout avant de se lancer, pour être sûr que c’est une bonne alliance ! Aujourd’hui aussi, on prend le temps quand on peut, quand les enfants sont couchés, ou alors une fois par an quand la mamie garde les enfants.

Quel message avez-vous envie de transmettre à la société ? Que dirais-tu à ceux et celles qui veulent s’engager pour soutenir nos familles ?

Parler de la diversité des familles ! Il n’y a pas d’âge pour parler de ça. Dans les médias, dans les écoles avec les ateliers de sensibilisation du Collectif Famille.s, pour un anniversaire acheter un livre où on voit deux mamans ou deux papas, dire aux enfants que la famille ce n’est pas que un homme et une femme marié.es, c’est beaucoup plus que ça. Ces schémas existent, si les enfants grandissent avec ça c’est plus facile pour tout le monde ! Et surtout, les enfants s’en fichent, on n’a pas de problème à l’école, nous on est trois parents, il y a aussi un couple de mamans, il n’y a aucun secret, et on est là pour les sorties scolaires et la fête de fin d’année !

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