Loïc et Yann, un couple de papas engagés partagent leur parcours de parentalité par GPA. Après des débuts compliqués avec l’adoption, ils se tournent vers la GPA au Mexique.
Louise : Comment est-ce que vous vous êtes lancés dans le projet de GPA ?
Yann : En 2013, le mariage nous a ouvert la possibilité de l’adoption. C’est là qu’on a commencé à réfléchir à la parentalité… et quelques jours après, nous étions au conseil départemental pour faire les deux premières journées sur l’adoption – afin d’avoir l’agrément. Ca ne s’est pas très bien passée. Nous avons eu l’impression de gêner, de représenter une concurrence supplémentaire pour les autres parents… on s’est dit que ça ne fonctionnerait jamais. Après une mutation à Paris, on a compris qu’on pouvait être parent autrement. On a découvert la GPA. Mais à l’époque, nous n’avions pas les fonds… et Loïc n’était pas encore prêt.
Il lui a fallu deux ou trois ans de maturation pour y arriver. Financièrement, notre situation a évolué au fil du temps, et c’est devenu un projet abordable. Puis, on s’est lancés dans les recherches d’agence, avec des entretiens en visio avec des structures américaines et canadiennes. Ça nous a semblé très commercial comme approche, et ça nous a refroidi. Mais finalement, on nous a mis en lien avec une agence au Mexique.
Loïc : C’était une petite agence qui avait été fondée par un couple d’hommes, qui avaient eux-mêmes fait une GPA. Il y avait une dimension familiale, et on savait qu’ils étaient passés par là.
Yann : Le bien-être de la porteuse leur tenait à cœur. Il fallait qu’elle soit stable financièrement, qu’elle ait un soutien familial direct ou indirect… beaucoup de critères qui nous rassuraient quant à l’éthique. Alors, en plein Covid, premier voyage au Mexique ! Nous avons passé dix jours là-bas. Dès le début, nous sommes allés chez le notaire pour signer les contrats avec l’agence, avec la mère porteuse et avec la donneuse – ces rôles sont toujours différenciés. Nous avons aussi fait les dons de gamètes, et rencontré l’équipe médicale… La suite ne s’est pas bien passée. Pendant deux ans, nous avons vécu sept échecs de transferts… avec différentes donneuses et mères porteuses.
Loïc : Ça a été très long !
Yann : Nous avons dû faire un autre voyage pour faire de nouveaux dons. Au début, c’était moi le donneur, et je voulais un garçon. Et au final, ça a été Loïc, et nous avons une fille (rires) ! Je suis super heureux, mais ça n’a pas été si simple. On n’est pas préparé à ça. On est persuadé que parce que c’est clinique, parce que ça coûte cher, ça va forcément marcher. Mais non. Et finalement, c’est le dernier embryon qui nous restait, le plus vilain, qui s’est accroché ! La grossesse s’est très bien passé. Nous avons été en contact tout au long de la grossesse. Et puis elle a eu des contractions, quinze jours avant le terme. Nous avons embarqué dans l’avion au moment de la fête des morts. On a récupéré Rose et vécu un mois et demi avec elle là-bas.
Nous avons eu les papiers très facilement car nous avons décidé de garder la mère porteuse sur l’acte de naissance. Cette femme est très importante pour nous, et nous sommes toujours en contact avec elle. Cela nous a permis d’avoir rapidement le passeport français et un numéro de sécurité sociale. J’ai fait une adoption simple pour Rose. C’est normal pour nous que la mère porteuse apparaisse. Et d’ailleurs, en deux ans, nous n’avons jamais eu le moindre problème à ce niveau-là. Jamais, ni à l’hôpital, ni à la crèche, on ne nous a demandé à voir le livret de famille, ou qui était le vrai papa…
Louise : Du coup, vous êtes prêt pour le deuxième !
Yann : C’est en cours (rires) ! Nous avons été référents GPA pour l’APGL en île de France et nous avons aidé plus d’une soixantaine de couples dans leurs parcours. Un jour, un couple nous y a fait penser… et nous avons décidé de nous relancer ! Cette fois, la banque nous a suivis, et quinze jours plus tard nous sommes partis en Colombie. Ce soir, nous avons une visio programmée, pour faire le choix de la donneuse… c’est reparti. On est fous !
Louise : c’est tellement merveilleux, en même temps.
Yann : Oui… tout est futile en dehors d’elle, en fait. C’est l’éclate totale ! Elle est parfaite, merveilleuse… (rires). On ne naît pas parent, on le devient. Et au bout d’une heure, avec Rose dans les bras, on savait qu’on était faits pour ça, qu’on allait être des super papas. On doute toujours, bien sûr, mais on apprend vite. Et elle nous tire vers le haut. Toujours !
Louise : Est-ce que vous étiez à égalité dans cette appropriation de la paternité ? Tu disais que ça avait pris plus de temps pour Loïc, en amont…
Loïc : Une fois que j’ai été prêt, nous étions à égalité, oui ! A l’époque, je me trouvais trop jeune – nous avons dix ans de différence. Mais quand on a commencé le projet vraiment, on était prêts. Nous avions les mêmes attentes et le même but.
Yann : Les deux ans d’échecs nous ont aidé, en fait. Nous n’avons rien dit à nos familles ni à nos amis. Personne ne savait que nous étions allés au Mexique… ils pensaient que nous avions gagné une semaine en amoureux grâce au travail de Loïc ! On les a protégés de tout cela. Nous étions seuls dans cette épreuve…. Mais ça nous a permis pendant deux ans de rêver et de mûrir l’arrivée de l’enfant. Aujourd’hui, nous ne sommes jamais en désaccord parce que nous sommes extrêmement soudés. On savait exactement ce que chacun attendait.
Louise : Je l’ai ressenti aussi sur le parcours PMA. Même s’il est beaucoup plus facile que la GPA, j’ai eu l’impression que ça nous avait rendu vraiment prêtes, au contraire de certains couples hétérosexuels. Nous avions plus conscience de ce qui nous attendait, nous étions très préparées. Certains couples autour de nous le vivent comme un choc, surtout dans la relation amoureuse. C’est vrai que ces épreuves nous donnent de la maturité.
Yann : C’est sûr. Nous comme vous, on commence à réfléchir et à stresser pour la ponction, pour la FIV, pour le transfert… tout ce que les autres couples ne vivent pas, ça nous construit, ça nous rend matures. Ca ne fait pas forcément de nous de meilleurs parents ! Mais c’est un désir construit de longue date, et ça nous donne peut-être un avantage.
Louise : Avec Aude, on l’a vécu différemment. C’est moi qui n’était pas aussi prête qu’elle, en tout cas avant que le projet ne démarre vraiment. Il y avait aussi le fait qu’elle porte l’enfant. Elle était tout de suite élevée au rôle de « LA mère » dans le regard social. Il fallait se construire avec cette différence… Je trouve touchant que vous ayez laissé la mère porteuse sur l’acte de naissance. En ce qui nous concerne, c’est un donneur non-anonyme que Manon pourra connaître à ses dix-huit ans si elle le souhaite. Mais en attendant, c’est quelqu’un avec qui nous n’avons eu aucun contact. Donc ça n’aurait pas eu de sens qu’il soit sur l’acte de naissance. Par rapport à la mère porteuse, est-ce que vous étiez directement en contact avec elle dès le début ?
Yann : Il y avait toujours quelqu’un de l’agence, pour la traduction et puis pour s’assurer que tout allait bien. Mais comme je parle espagnol, on sollicitait très peu la traductrice. Dès le premier entretien en visio, on a vu une de ces filles. Pour nous, c’était tabou. Mais en fait, sa fille était ravie de nous rencontrer. Jessica est catholique pratiquante, ses filles vont à l’église… la vision des choses est complètement différente.
Louise : La GPA était intégrée dans sa vie.
Yann : C’est ça ! Et ça l’est toujours. Pour elle, Rose n’est pas sa fille. Pour nous, Jessica est sa mère porteuse, ou mère cigogne… mais pas sa maman. Mais par contre les quatre filles sont les sœurs de Rose ! De leur côté et du nôtre, c’est parfaitement logique. On trouve ça génial. On dit à chaque fois qu’il y a notre famille, ici. Leur famille, là-bas. Et puis la famille qu’on a créée ensemble. Qui est atypique… une famille de cœur. On se suit sur Instagram, on a un groupe Whatsapp… on fait des visios de temps en temps. Le lien est là.
Louise : Comment est-ce que vous avez fait pour annoncer à vos familles que vous attendiez un enfant ?
Yann : On leur a annoncé au bout de quatre mois ! Ils ont été surpris. Ils étaient à mille lieues de savoir qu’on avait fait ça. Et ils ne savent pas encore tout… mais on en parle dans le livre. On a commencé à écrire pour nous, pour Rose, et puis on s’est rendu compte que ça ferait du bien à la famille de Loïc et à nos amis de savoir ce qu’on avait vécu. On voulait aussi expliquer notre choix. Et puis à force de parler de notre parcours à des couples, on s’est dit que ce serait intéressant de partager plus largement notre parcours.
Dans le livre, il y a un chapitre qui s’appelle deuil. Il s’agit du mien, car on m’a toujours dit que je devais transmettre la lignée, avoir un garçon. C’est pour ça que je devais être donneur en premier. J’ai pris une claque monumentale, mais c’était une claque culturelle. On m’avait martelé que j’étais un homme et que je devais faire un homme. Maintenant, ça me fait rire. Regarde Rose, personne ne peut me dire que c’est pas ma fille. En plus, elle porte nos deux noms. C’est elle, la première de la lignée ! On a aucun souci à parler de la GPA. La question qu’on nous pose beaucoup maintenant, c’est pourquoi la Colombie et pas le Mexique.
Louise : Nous ce qu’on nous a énormément demandé c’est si on pouvait choisir le sexe. Mais vous, vous n’avez pas eu de question en cours de route…
Yann : C’est quelque chose qu’on nous a proposé. Quand ils analysent l’embryon, ils voient la qualité mais aussi le sexe probable. Ils peuvent faire le transfert en fonction des préférences. Mais nous, on a toujours dit qu’on s’en fichait. Ce qu’on voulait, c’était un enfant ! On avait peur d’avoir une fille parce qu’on est des garçons. Mais en fait, c’est tellement exceptionnel !
Louise : J’avais envie d’avoir un garçon aussi, et c’était un deuil. Mais une fois que l’enfant est là…
Yann : …tout s’efface ! Dès qu’on l’a eu dans nos bras… le reste a disparu. C’était là, c’était parti. Quand on est arrivés au Mexique, on nous a dit que l’accouchement n’était pas pour tout de suite, finalement. Mais rapidement la clinique nous a appelé pour nous dire qu’elle allait accoucher maintenant ! On est vite arrivés à la clinique et on a trouvé une femme très zen, qui attendait pendant que tout le monde s’affolait. Elle disait qu’elle ne bougerait pas tant qu’on n’était pas là. Et on a passé deux heures ensemble, à discuter. Elle a accouché dans la nuit du 4 au 5, c’était un samedi. On s’est dit qu’on la récupérerait en début de semaine… et puis le dimanche, on leur a téléphoné, et l’agence nous a dit qu’on la récupérait le soir même ! Le soir même, on s’est retrouvé à l’hôtel avec elle, posé entre nous deux. A ce moment-là, tout ce qu’on a vécu s’efface. On a 0 contrôle sur ce qu’il se passe. Et maintenant… ça regarde Peppa Pig (rires) !
Yann et Loïc m’ont ensuite présenté Rose, et après quelques grimaces, nous nous sommes laissés.
Si leur histoire vous a plu et que vous voulez en savoir plus, le livre « Je t’aime papas ! » est disponible depuis le 5 novembre 2024… pour l’anniversaire de Rose ! Plus d’infos sur le site de Yann et Loïc.