V. : donner ses ovocytes et donner la parole aux enfants nés issus de ces dons

par | 24 Nov 2025 | Allié.e.s, Témoignages | 0 commentaires

Peux-tu te présenter en quelques mots et nous dire ce qui t’a amenée à devenir donneuse d’ovocytes ?

Je suis V., j’ai 35 ans, je suis hétéro, actuellement en couple avec un homme. En 2023, j’ai commencé un parcours PMA pour avoir un enfant seule, et c’est fin 2024 que j’ai rencontré cette personne.

C’est dans le cadre de ce parcours PMA solo que j’avais pris un engagement vis-à-vis de moi-même : comme je recevrais un don de gamètes pour tomber enceinte, je ferais don de mes gamètes moi aussi. J’avais une bonne réserve folliculaire donc le deal, pour moi, était d’en faire profiter un couple ou une femme en désir de devenir parent·s.

Avec mon conjoint, nous avons eu très vite le projet d’avoir un enfant ensemble, j’ai donc arrêté ce parcours PMA, tout en gardant le projet de faire ce don de gamètes.

Qu’est-ce que cela représente pour toi, concrètement et émotionnellement, de donner tes ovocytes ?

C’est un sujet auquel je réfléchis depuis assez longtemps.

Je suis bénévole au sein du Collectif Famille⸱s depuis 5 ans maintenant et j’ai eu l’occasion de m’interroger sur les sujets liés à la filiation lors de discussions régulières avec d’autres bénévoles. J’ai également plusieurs copines en couple qui ont eu des enfants par PMA en France ou à l’étranger.

La place des donneur·euses faisait partie de toutes les discussions et pour moi c’est super clair : j’envisage le don d’ovocytes comme j’envisage un don de sang ou de plasma.

Mais j’ai découvert que l’on avait tous·tes un rapport à la filiation qui était très individuel, identitaire et j’ai beaucoup cheminé sur ce sujet en trois ans.

Comment s’est déroulé le processus, de ta décision jusqu’au don ?

Mon parcours de don à démarré en 2023, en parallèle de mon parcours PMA solo.

Il m’a fallu rencontrer l’équipe médicale pour faire un bilan de fertilité, identifier dans ma famille les éventuelles maladies qui pourraient être héréditaires, déposer un dossier accessible à l’enfant ou aux enfants issu·es du don s’iels le souhaitent à leur majorité et puis rencontrer l’anesthésiste, ayant choisi de réaliser la ponction sous anesthésie générale.

La ponction a eu lieu en octobre. J’ai eu une stimulation hormonale pendant 15 jours avec des piqures réalisées le soir, dans le but de produire un maximum de follicules à ponctionner. Quelques jours avant la ponction, mon ovulation a été déclenchée et je suis allée à l’hôpital en ambulatoire pour la journée.

L’équipe médicale qui m’a accompagnée a été super, on sentait que certaines personnes étaient militantes et que les équipes de ce CHU ont l’habitude d’accompagner des personnes queer. On m’a demandé plusieurs fois si ma conjointe se joignait à nous pour le rendez-vous ! Je me suis sentie comprise, écoutée, médicalement et humainement bien accompagnée.

La phase en amont avec les piqûres demande un peu d’organisation. On te propose des soins infirmiers à domicile plutôt que de les faire seule. J’ai eu l’expérience de mes copines qui sont passées par là et qui m’ont donné des conseils. J’ai senti que je n’étais pas seule.

Après la ponction, mon corps était gonflé à bloc, j’ai été arrêtée une grosse semaine pour pouvoir gérer les douleurs et le post-opératoire sereinement.

Comment ton entourage a réagi à ta démarche ? As-tu reçu du soutien, des critiques, des questions ?

Comme j’ai démarré un double parcours PMA solo et de don d’ovocytes, j’ai expliqué ma démarche à mon entourage dès le début. Les questions ou inquiétudes portaient plus sur la maternité solo. Sur le don d’ovocyte, beaucoup de questions de curiosité, la plupart des personnes ne savaient même pas que c’était possible ou nécessaire.

Au fil de mes discussion, j’ai pu observer que du côté des hommes cis le rapport aux gamètes est beaucoup plus “filial” que celui que moi je peux avoir aujourd’hui. J’ai pu observer que le rapport aux ovocytes est plus distant, moins fantasmé et surtout moins sexualisé que le sperme. Notre contribution à la maternité ne réside pas dans notre production d’ovocytes, la ou le lien entre être père et donner une graine à encore beaucoup de place. Lors de mes discutions avec des amies cis sur un don potentiel, leurs interrogations étaient sur les douleurs et le processus plus que sur la revendication future d’une potentielle filiation.

De plus, à partir du 31 mars 2025, la loi de bioéthique a imposé aux CECOS* la destruction des gamètes issus de dons anonymes. Désormais, ce nouveau régime de non-anonymat des dons apporte une évolution notamment dans les pièces du dossier accessible à la majorité de l’enfant issu du don. On peut y laisser une lettre. Dans la mienne, je partage qu’il n’y a pas de lien filial entre nous et que j’espère que sa famille prend soin de lui ou d’elle. Mais le constat est que le non-anonymat est un frein au don, il est dissuasif, c’est certain. Et je respecte cela.

La génétique, c’est quelque chose de profondément intime, qui fait partie de l’identité. Quand tu as toi-même accès à tes origines, une famille aimante tout va bien, quand tu n’as pas accès à ça, je pense que ça peut être pris sous plein d’autres angles. J’ai un profond respect pour la multiplicité des parcours, des histoires, et sur le fait que pour plein de personnes c’est un sujet complexe.

Quel message aimerais-tu faire passer à celles et ceux qui s’interrogent sur le don ou qui ne le connaissent pas bien ?

Qu’il y a besoin de ces dons, mais je pense aussi qu’il ne faut pas négliger le fait que ce sont des sujets qui prennent du temps et qui ont besoin de réflexion.

C’est un sujet au niveau global : je suis hyper heureuse de voir en tant que citoyenne, qu’il y a eu récemment une campagne de sensibilisation et des moyens investis pour la recherche de donneur·ses. On a vu le sujet abordé par des médias et des influenceur·euses en ligne et ça fait du bien ! Malgré tout, la charge repose sur les épaules des professionnels de santé motivé·es. Les pros que j’ai rencontré bricolent avec flyers et quelques infos, car on est dans une stratégie plutôt passive de la part de l’Agence française de biomédecine. Il suffit de faire le parallèle avec d’autres pays dans lesquels des incitations sont mises en place, par exemple des réductions d’impôt ou des incitations financières. L’idée n’est pas de dire si c’est bien ou pas, mais qu’il existe des stratégies politiques visant à augmenter le nombre de donneurs et de donneuses de gamètes.

C’est aussi un sujet au niveau individuel : dans le cadre de ma réflexion, j’ai cherché des témoignages d’enfants issus de dons de gamètes et je me suis rendue compte qu’il n’y en avait pas encore beaucoup. C’est sûrement générationnel, car en Belgique, la PMA est possible depuis 25 ans ! Il m’a paru intéressant et nécessaire de recueillir les témoignages de ces enfants-là, qui constituent des exemples positifs permettant d’aller au-delà des inquiétudes et des craintes (et même du fantasme selon lequel un éventuel enfant viendrait toquer à ta porte à 18 ans).

On a beau anticiper ou désacraliser plein de choses, on a surtout besoin de témoignages de ces enfants qui ne se réclament pas d’une quelconque parenté, ni d’un parent manquant ou fantasmé. Je pense qu’il y a un enjeu avec le Collectif Famille.s de leur donner la parole et ainsi rendre visible leur vécus.

*CECOS = Centres d’Etude et de Conservation des Œufs et du Sperme humains

Propos recueillis par Claire Grard, bénévole au Collectif Famille·s

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