Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Guéric, j’ai 26 ans, je suis un homme cisgenre queer, pronom il/lui. Je suis franco-luxembourgeois et je vis à Berlin.
Comment as-tu été sensibilisé au don de gamètes ?
J’ai effectué un don de gamètes à l’hiver 2024/2025. Je suis donneur de sang et inscrit sur les listes pour le don de moelle osseuse, donc c’est dans ma culture. Mais cela a pris un visage beaucoup plus concret lorsque j’en ai parlé longuement avec un ami qui avait déjà donné ses gamètes.
C’est donc en 2022 que je commence les démarches à Paris, mais à l’époque je ne pousse pas plus loin et j’arrête à cause d’une communication laborieuse avec le CECOS*. Puis je déménage dans le Grand-Est et cette fois-ci est la bonne dans un CECOS de province moins sollicité. Celui de Nancy a une équipe très proactive avec laquelle j’a obtenu un premier rendez-vous dans les semaines qui ont suivi.
A ce moment-là, j’ai quand même eu un déclic car j’ai réalisé qu’il y avait de fortes chances que je ne veuille pas d’enfant. Et que même si je changeais d’avis, ce n’était pas parce que je faisais ce choix là que je devais priver d’autres personnes d’accéder à la parentalité.
Peux-tu nous raconter cette expérience ?
Le premier rendez-vous a eu lieu courant octobre-novembre 2024 et le dernier rendez-vous de dons en février 2025. Le processus peut prendre plus ou moins de temps, en fonction de nos disponibilités. Il y a au moins 3 rendez-vous préalables au don (qui peuvent être condensés en une journée) : un premier entretien de défrichage et de sensibilisation pour cerner le profil personnel de santé, le profil génétique (maladie orphelines, infections chroniques, héréditaires) ; puis un rendez-vous pour des analyses sanguines et un spermogramme ; et pour finir, une séance de psy afin de vérifier les motivations et la bonne compréhension de ce que renferme le régime de non-anonymat.
Dès que les analyses sont OK arrivent les rendez-vous de recueil – en moyenne 7 ou 8 recueils. Si la qualité du recueil n’est pas satisfaisante, on peut être amené à en faire plus.
Qui peut donner ? Et sais-tu s’il y a des besoins particuliers dans les CECOS ?
Même si on a vu qu’il y a une vérification accrue des antécédents de la personne qui donne, il y a également une sélection de la qualité des gamètes.
En ce qui concerne le don de spermatozoïdes, tous les hommes de 18 à 45 ans en bonne santé sont invités à donner. La limite est fixée à 45 ans car la qualité est altérée (la tranche d’âge pour le don d’ovocytes est fixée entre 18 et 37 ans). Les mineurs émancipés ne peuvent pas donner et depuis 2011, il n’y a plus besoin d’avoir déjà procréé.
On constate une pénurie de gamètes depuis des années, or l’Etat apporte zéro réponse concrète. Le stock de gamètes reste insuffisant pour répondre à la demande des femmes seules et des lesbiennes qui a explosé avec la loi PMA de 2021 (voir cet article de l‘agence de la biomédecine)
On trouve de la documentation dans les CECOS et sur internet : on a besoin de donneurs, de tous les profils ethniques et génétiques. Les familles racisées qui cherchent à avoir des enfants racisés à leur image sont encore plus en difficulté que les familles blanches. Il y a de nombreux témoignages sur le sujet (voir cet article de Radio France)
Qu’est-ce que le changement de régime d’anonymat a eu comme impact pour toi et ta décision ?
Ma réflexion et mon choix ont été réalisés après le changement de régime d’anonymat (apporté par la loi PMA de 2021), donc ça n’a jamais été un sujet pour moi. Je pense que cela dépend profondément du rapport de chacun à son corps, à ses gamètes et à sa filiation.
Je voudrais vraiment préciser ici, qu’en cas de demande d’accès au dossier faite par l’enfant issu du don à sa majorité, ce sont des informations plus ou moins précises qui dont données. L’enfant issu du don aura donc accès à des données d’identification : âge au moment du don, profession, lieu de recueil du don. Ce n’est pas immédiatement un dossier complet avec le nom et le prénom du donneur qui lui est communiqué.
On signe un formulaire de consentement à l’accès à ces données, au traitement de ces données et à la finalité des dons recueillis.
Qu’est ce que ce don de gamètes a changé pour toi ?
Je n’ai pas eu l’impression d’un gros changement ou d’avoir été dans une nouvelle phase de ma vie. Ma vie a continué, mes projets perso et pro aussi et j’en ai parlé à ma famille proche qui a été plutôt soutenante. Cela m’a conforté dans ma vision de la parentalité : les liens de sang ne font pas la famille. J’ai été plusieurs fois dans la salle d’attente du CECOS et j’ai vu la multitude de modèles de famille : faire un don, ce n’est pas être parent.
J’ai été rassuré par la pédagogie autour de cette médicalisation. Même si le système de santé ne prend pas souvent soin de sa patientèle, notamment la patientèle racisée, l’équipe qui m’a accompagné a été très disponible tout le long de mon parcours, et même plus tard, par mail pour répondre à mes questions.
En amont, je m’étais posé la question d’effectuer un don hors institution médicale, c’est-à-dire m’arranger avec des potes qui sont dans le besoin. Je comprends qu’on veuille éviter une institution qui peut être violente ou maltraitante de sa patientèle, notamment racisée. Je comprends les personnes désireuses de faire une PMA hors système à cause de cela, mais j’avais avant tout envie que les enfants issus de mon don ne soient pas confrontés à des difficultés administratives (voir l’article d’Envoyé Spécial). Je peux comprendre aussi que ce soit perçu comme une solution plus facile, mais je veux rappeler que ce sont des procédures non cadrées, soumises à une dissymétrie entre les donneurs qui ont la ressource et les familles en détresse. Je voulais m’éloigner des dérives des plateformes clandestines de dons de sperme : la rémunération des donneurs et les antécédents médicaux non vérifiés. Mais je ne critique pas les gens qui y ont recours, ni ces donneurs qui rendent service, qui existent aussi.
J’ai préféré le “canal officiel” pour faire les choses bien aussi en termes de diversité génétique, qui réduit à 10 maximum le nombre d’inséminations réalisées avec le même donneur (et non 10 naissances). Et je voulais être moi-même encadré et protégé par la loi. De plus, lorsqu’un enfant cherche à retracer sa génétique, il le fait de manière encadrée avec les informations communiquées au CECOS, dans un cadre où les deux parties sont protégées.
Un dernier mot ?
J’ai observé le manque crucial de moyens de communication et de sensibilisation : il faut aller au sein des maternités, dans les services de fertilité pour trouver une brochure sur le don de gamètes. Ces moyens sont décevants et ne sont pas à la hauteur ni des besoins en matière de gamètes, ni des défis et difficultés que rencontrent de nombreuses familles. On veut un “réarmement démographique” mais sans moyen dans les services qui participent à ce réarmement !
La plupart des gens sont réticents notamment car ils n’arrivent pas à dissocier les choses entre les enfants qu’ils auront potentiellement plus tard et ceux qui naîtront de leurs dons : on est des donneurs, on n’est pas des papas ! Une gamète est une gamète, c’est un don de cellules !
Je pense qu’une meilleure information participerait à démystifier la démarche. Invisibiliser les dons, c’est invisibiliser les personnes qui ont recours à la procréation médicalement assistée ! Donc renseignez-vous ! Apprenez des choses, ça fait du bien, pour démonter nos idées préconçues, parlez-en autour de vous. Une fois pleinement informé, sautez-le pas, ce n’est pas une injonction, c’est un altruisme quelque part, ça ne demande pas énormément (et je m’adresse notamment aux personnes qui donnent des spermatozoïdes).
*CECOS = Centres d’Etude et de Conservation des Œufs et du Sperme humains
Pour aller plus loin, cet article sur Passeport Santé explique bien la démarche de don.