Peux-tu te présenter ?
Je m’appelle Blandine, j’ai 34 ans, je suis mariée avec un homme et maman d’un petit garçon de bientôt deux ans. Je ne me définis pas par mon orientation sexuelle, même s’il se trouve que je suis exclusivement sortie avec des hommes. J’ai un parcours d’études et professionnel éclectique qui, pour faire simple, m’amène à travailler dans le milieu de la psychologie, en milieu médical et dans l’accompagnement périnatal et parental. Dans mes vies professionnelles, j’accompagne beaucoup de personnes homosexuelles, parfois des personnes transgenres, parfois des familles LGBTQIA+ dans leur parcours de PMA, parfois des familles monoparentales.
A-t-il été difficile pour toi, à un moment donné, d’envisager que les personnes LQBTQIA+ puissent fonder une famille et/ou élever des enfants ?
Cela a été difficile au sens où ça a été une tâche aveugle de mon espace mental durant un certain temps. Je n’y pensais juste pas parce que je n’ai pas grandi dans un environnement propice à faire émerger ce genre de questionnements (milieu catholique très conservateur). Mais ça n’a pas été difficile au sens où ça aurait été un problème.
J’ai toujours eu du mal avec les verbes « falloir », « devoir » et des mots comme « morale », « naturel » et leurs différentes déclinaisons. J’ai un esprit peut-être de contradiction, en tout cas tout en ébullition et questionnements. Alors j’ai toujours interrogé les assertions de mon milieu. Une amie de prépa, lesbienne, m’a un jour passé une série ; j’avoue que je me demanderai toujours pourquoi : si elle me trouvait naïve (parce que je n’avais pas saisi qu’elle était homo), si elle avait compris que je venais d’un milieu intolérant, ou si elle voulait juste partager avec moi (on n’avait pas 20 ans). D’une tache aveugle et d’un non sujet (au sens où je n’ai jamais conçu d’avis négatif), c’est devenu alors pour moi un sujet parce qu’il y a de la souffrance et de l’intolérance.
De quoi la société aurait-elle besoin pour faciliter l’inclusion de ces familles ?
La société aurait besoin de plus de bienveillance, d’accueil, d’écoute, d’échanges, de rencontres, et de changements dans l’arsenal légal (ça passe aussi par là). C’est aussi tout un combat qu’il y a à mener dans le langage.
As-tu rencontré des difficultés au quotidien, en rencontres-tu encore ?
Personnellement, pas vraiment. J’ai la chance d’exercer des activités où je suis libre et responsable de mes actes. Mais je travaille dans un milieu où il est tout à fait possible d’être totalement réac’ sous couvert de justifications théoriques, cliniques et « scientifiques » : la psychologie, la médecine… ont encore vraiment besoin d’évoluer pour accueillir la construction de ces familles et se rendre compte que les enfants peuvent aussi aller bien, que ce n’est pas le privilège d’enfants issus de couples hétérosexuels.
le rôle des allié.e.s pour nos familles (parents et enfants) est très important. En avais-tu conscience ?
Je n’en avais pas beaucoup conscience. Parce que même si ça a longtemps été une tache aveugle pour moi, ça ne m’a jamais posé problème par la suite. Et aujourd’hui, c’est tellement pas un problème pour moi que j’ai juste l’impression d’essayer de faire ce qui est juste. (Ce qui ne veut pas dire que j’y arrive ni que je le fais bien.) Je crois que l’existence des allié.e.s me gêne parce qu’idéalement, il ne devrait pas y avoir d’allié.e.s parce que toute famille devrait être accueillie. Comme ce n’est pas le cas, le rôle des allié.e.s prend son importance.
Pourquoi témoignes-tu pour le collectif Famille.s ?
Je témoigne pour que les familles non issues d’un couple hétérosexuel arrêtent de se justifier. (On ne demande pas de justification à un couple hétérosexuel : ça ne fait pas d’eux de meilleurs parents.) Pour que les questions d’orientation sexuelle ou d’identité de genre deviennent des non sujets au sens où les gens pourraient enfin être accueillis, écoutés et accompagnés en fonction de leurs besoins et comme ils le méritent, où ils n’auraient plus à se justifier d’exister. Parce qu’un enfant a avant tout besoin d’amour, de bienveillance, d’être respecté comme une personne, dans le développement de ses rythmes, plutôt que de deux parents de sexe différent.
Que dirais-tu à celles et ceux qui pourrait être amené.e.s à cheminer aux côtés de nos familles ?
J’inviterais à être curieux, ne pas se fermer de porte, encore moins mentale. S’ouvrir. À tout : à l’autre, à la beauté de la différence, à la vie. Cela passe par des mots, par des rencontres, par des livres, des films, des séries, des podcasts… Deux grands obstacles : l’ignorance et l’indifférence.
De quoi rêves-tu pour demain ?
Je rêve d’ouverture.