Peux-tu te présenter ?
Je m’appelle Aurélie, j’ai 40 ans et je suis mariée depuis octobre 2019. Je travaille et j’habite à Lyon. J’ai également vécu quelques années à Londres où j’ai rencontré celle qui allait devenir mon épouse !
Peux-tu présenter la configuration de ton foyer, ton parcours pour fonder cette famille… ?
Nous sommes trois à la maison, avec ma femme Bertie et notre fils, Oscar.
Bertie et moi nous sommes rencontrées en 2012 à Londres. C’est très vite c’est devenu une évidence entre nous. Après 1 an de relation, je suis rentrée en France et elle m’a suivie quelques mois plus tard.
Nous avons songé très vite à fonder une famille et on a beaucoup réfléchi aux diverses possibilités offertes à nous afin de réaliser notre souhait. Il a fallu du temps et beaucoup d’essais ratés avant d’enfin accueillir Oscar en novembre 2019. Une joie immense et un bonheur fou !
Quel a été le plus gros obstacle que tu aies franchi pour en arriver là ?
En tant que futures familles homoparentales, ce qui est vraiment difficile est qu’on est doublement pénalisé : d’une part, une loi incomplète nous autorisant à nous marier mais sans l’accès (pour l’instant) à la reproduction médicalement assistée en France (ou à la GPA pour les couples d’hommes), donc une discrimination quant à notre sexualité ; d’autre part, comme la plupart des solutions pour avoir des enfants – si on n’a pas recours à l’insémination artisanale – sont extrêmement chères, il existe une discrimination touchant à nos revenus. Bertie et moi avons pris deux emplois chacune afin d’économiser assez d’argent pour pouvoir nous permettre de commencer les essais en Belgique.
C’est démoralisant d’être considéré.e comme un.e sous citoyen.e. et de n’avoir pas les mêmes droits ni l’accès aux mêmes traitements que les couples hétérosexuels ayant un désir d’enfant et des difficultés à concevoir.
As-tu rencontré des difficultés au quotidien, en rencontres-tu encore ?
J’ai trouvé le parcours PMA difficile, d’autant que l’on a mis longtemps à trouver un médecin en France qui accepte de nous suivre. Les essais ratés étaient bien entendu très durs à gérer. La solitude, aussi, car on ne connaissait personne d’autre dans notre situation. Tout est plus facile depuis qu’Oscar est là. C’est comme si, aux yeux des autres, notre famille était devenue tangible, réelle. Bien sûr c’est toujours compliqué administrativement (on est en plein parcours d’adoption et Bertie étant britannique, les documents demandés en France n’ont pas toujours d’équivalent en Grande-Bretagne), mais je trouve le regard des autres sur nous plus doux.
Quel conseil donnerais-tu pour rassurer des futurs parents qui auraient des réticences à se lancer dans l’aventure d’une parentalité LGBTQIA+ ?
Armez-vous de patience. Cela ne fonctionne pas toujours les premières fois, malgré les traitements, et c’est important de le savoir.
Trouvez un.e médecin compréhensif.ve qui vous suive et vous soutienne.
Si vous pensez aller à l’étranger, prévoyez un budget conséquent, afin de ne pas être forcé d’arrêter les essais par manque de fonds.
Entourez-vous ! Les amis, la famille, des associations comme Collectif Familles, des comptes insta comme @demande_a_tes_meres ou @leacr (que j’aurais adoré découvrir plus tôt) afin de pouvoir partager et lire des expériences similaires à celles que vous traversez.
Ça peut être très dur, et ce que je vais dire est une banalité : ça en vaut tellement, tellement la peine !
Pourquoi t’engages-tu dans le collectif Famille.s ?
Notre parcours est ce qu’il est et nous a rendues, Bertie et moi, soudées et fortes, mais j’aurais souhaité apprendre beaucoup des choses que je sais aujourd’hui de manière plus douce. J’aurais souhaité également pouvoir faire parti d’une communauté bienveillante qui nous soutienne et nous encourage.
Cette force que je ressens maintenant, j’aimerais la partager avec toutes les familles. Vous allez y arriver. Nous allons y arriver. Courage !
Qui sont tes plus grand.e.s allié.e.s dans ton quotidien ou celui de ta famille ?
Notre famille est très présente et Oscar a de la chance de recevoir l’amour de pleins de grands-parents, oncles et tantes. Ma mère adore Bertie, qualifiant d’ailleurs sa belle-fille de « parfaite » !
Notre nounou est super également, complètement à l’aise avec un enfant ayant deux mamans. Bertie et moi avons aussi la chance d’avoir des employeurs à l’écoute, ce qui nous a beaucoup aidées pendant le parcours PMA.
Les amis, bien sûr, sont fidèles au poste, même si un quotidien de jeunes mamans restreint un peu nos rencontres, sans parler des confinements et autres couvre-feus !
Être un couple de femmes marié et avoir un enfant ensemble, c’est devoir faire son coming-out très souvent, mais je réalise de plus en plus qu’en étant ouvert.e et bienveillant.e, les retours sont aujourd’hui en majorité positifs !
Quel message as-tu envie de transmettre à la société ?
Nous sommes de belles familles ! Deux papas, deux mamans, un papa et une maman, ensemble, seuls, recomposés… Nous voulons tous la même chose : le bien-être de nos enfants.
Je pense que le meilleur moyen de nous soutenir, c’est de parler de nous de manière tout à fait naturelle, ce qui encourage les gens qui écoutent à nous considérer comme tels. Je prends pour exemple ma mère, à la campagne, qui n’hésite pas à dire autour d’elle qu’elle va voir son petit-fils, sa fille et sa belle-fille ! Ou la nounou, qui explique à sa fille de 6 ans qu’Oscar a deux mamans.
Ces conversations rencontrent parfois de la curiosité bien sûr, voire de l’incrédulité, mais en nous rendant visibles et réelles, elles aident à effacer les stigmates qui nous sont malheureusement encore et toujours accolés.
De quoi rêves-tu pour demain ?
Je souhaite que la nouvelle loi passe rapidement, que toutes les femmes soient considérées comme des citoyennes égales et qu’elles aient accès aux mêmes droits.
Je souhaite que cette loi facilite aussi le processus de filiation : un enfant qui naît au sein d’un couple marié devrait être considéré comme l’enfant des deux parents.
Et enfin j’espère que nos enfants grandiront dans une société plus juste, plus verte, plus respectueuse et bienveillante !
Retrouvez Aurélie sur son compte Insta @aur_mari